ERICK GONZÁLEZ : "Je considère l’art conceptuel comme un art majeur qui a influencé une grande diversité des démarches artistiques actuelles et dont je ne suis pas à l’abri (...) mais le dit “art conceptuel” est aussi un terrain qui se prête à la charlatanerie, à la pseudo philosophie et à la manipulation de l’art et les concepts liés à celui-ci".
(Entretien avec LAURENT BOUISSET)
(Entretien avec LAURENT BOUISSET)
Salut Erick, maintenant que tu vis et travailles à Phnom Penh, au Cambodge, quel pays te paraît le plus loin? Le Guatemala ou la France ?
La France définitivement. Ce n’est pas une question de géographie, il s’agit plutôt de l’opposition Occident-non Occident. Je crois que ce qui me rapproche le plus de ce pays ce sont les similitudes entre l’histoire récente du Cambodge et celle du Guatemala. Je me rappelle avoir lu une phrase de Francis Bacon qui disait que “les hommes se reconnaissent dans la misère” et c’est plus ou moins ce que j’ai ressenti quand j’ai vu de plus près les ravages de cette sorte d’auto-génocide du peuple cambodgien. Cela m’a fait penser à mon propre pays, à ses erreurs, à la capacité des personnes à se remettre debout et à reprendre le cours de la vie pour se reconstruire. Et puis le Cambodge et le Guatemala sont des pays pauvres (en voie de développement pour être politiquement correct) qui connaissent les grands conflits sociaux comme l’inégalité et l’exclusion.
Mais qu’en est-il de la violence (actuelle) ? Sens-tu sur place un niveau d’insécurité comparable à celui de la capitale de ton pays d’origine, Guatemala ? Y’a-t-il des “maras” cambodgiennes ou est-ce un tout autre “fonctionnement”, ou plutôt... “dysfonctionnement” là-bas ?
Il n’y a pas de comparaison. Pour commencer ici au Cambodge Il n’y a pas d’insécurité. Ce sont deux façons différentes de faire face à une réalité sociale similaire.
Le Guatemala d’après-guerre n’a pas réussi à contrôler la violence quotidienne. Il y a même plus de morts violentes par jour que pendant la période de guerre. Qu’est-ce qui a changé?
Seulement l’entrée en jeu de nouveaux acteurs qui ont empiré la situation tels que les narcos et les maras.
La Sécurité ou plutôt l’insécurité est le point où les similitudes entre le Cambodge et le Guatemala bifurquent.
Je ne sais pas ce qui s’est passé au Guatemala, je ne comprends pas comment nous sommes entrés dans cette spirale infernale de la violence. Je pense que cela est le résultat de nombreuses inégalités, de l’injustice et des abus de la part des classes dirigeantes. Une société à qui on a toujours refusé l’accès à l’éducation, à la terre et la richesse est un terrain fertile pour toute forme d’explosion sociale.
Le Cambodge par contre vit une autre forme de violence, moins évidente… silencieuse mais pas moins brutale. C’est la violence de l’exploitation des ouvriers par de grands pouvoirs économiques locaux et internationaux, du non-respect des droits de l’homme, celle de l’exclusion et d’un état policier ou la liberté d’expression n’existe presque pas.
L’insécurité ou la violence telle qu’elle est moins visible ici.
Tu pourrais nous parler comme troisième question de l’influence du Cambodge sur ton travail artistique.
Quels changements peux-tu identifier dans ta manière de concevoir, de pratiquer la création, depuis que tu vis là-bas ?
Es-tu passé par des périodes de doute, de perdition, de déterritorialisation totale ?
En quoi cela a-t-il nourri la suite ? Je n’ai pas l’impression que tu aies ralenti... Au contraire, tu sembles avoir trouvé là-bas une certaine énergie. Est-ce que je me trompe ?
Je réponds d’abord à l’une de tes questions qui attire spécialement mon attention:
-Si j’ai des doutes ? Maintenant que tu le dis… Oui, je me rends compte que j’ai certainement beaucoup de doutes. Ces dernières années, j’ai acquis une assurance en moi et en mon travail, pas une assurance prétentieuse, mais celle qui vient de la pratique constante de l’art. Cette assurance m’a permis de faire une transition réfléchie entre la peinture et d’autres supports comme les objets, la photo, l’installation, etc. Et les doutes ne viennent pas de ce choix d’élargir mes moyens de création. Pour moi, c’est normal qu’un artiste cherche la meilleure façon “d’habiller” ses idées. Je doute surtout des codes, du langage que j’utilise dans mes œuvres, toujours si occidentales, toujours si attachés à MOI et ma propre culture qui risquent de ne pas être compris en dehors de leur contexte. La déterritorialisation comme tu l’a bien nommée.
Je ne me sens pas perdu, pas plus perdu ici qu’en France, et pour être sincère je ne cherche pas trop à me retrouver.
Je doute de ma façon de construire, c’est vrai, mais je doute aussi de l’engagement du public pour comprendre l’art contemporain, des institutions d’art, des galeristes, et je doute surtout des idées figées de la part des artistes et du public sur ce que l’art “doit” être.
Pour l’influence du Cambodge dans mon travail, je ne sais pas si c’est vraiment une influence ou si les idées se sont développées ici par une force d’inertie.
À Paris, j’avais commencé à créer des œuvres avec des objets existants -comme les livres d’occasion, des moulages en plastique, des mains de mannequins-vitrine etc.- sur lesquels j’intervenais pour en donner une nouvelle lecture. Cette idée était aussi associée au rapport entre l’œuvre et l’argent. Je voulais rompre les liens entre la capacité financière et la création artistique. Je ne voulais pas que l’argent soit une source de frustrations pour la réalisation de mes œuvres. Et puis cela m’a obligé à concentrer mon attention sur la construction de l’idée.
Lors de la dernière exposition au Bophana Center à Phnom Penh, j’ai présenté une œuvre sonore, appelée “Futurs souvenirs”. Ce sont des enregistrements qui parlent de cet endroit et de ce moment, c’est-à-dire le Cambodge d’après-guerre. J’ai dû marcher pendant des heures et des heures à la chasse au son, téléphone portable à la main en mode capture d’audio, mais c’était très enrichissant et cohérent avec cette idée que j’avais de créer avec peu de moyens. Et puis, ce n’était pas un effort, j’ai toujours aimé la rue.
Dans ma production personnelle comme je te disais précédemment, je pousse ma recherche sur l’art des objets: les revisiter, les associer, les détourner, construire avec le langage symbolique et les formes de ces objets. Je voudrais me détacher de toute recette de l’art et le désacraliser… créer avec ce que j’ai à portée de main.
Concernant mon “rythme de production”, moi non plus, je n’ai pas l’impression d’avoir ralenti, peut-être de produire moins mais ça ce n’est pas ralentir. Je passe beaucoup plus de temps à la réflexion et à la conception d’une œuvre qu’à sa réalisation. En tout cas, beaucoup plus de temps ici qu’en France.
Pour cette énergie dont tu parles, je crois que je la connaissais déjà. Je revis cette sensation d’après-guerre que j’ai connue au Guatemala. Je me rappelle que tu avais écrit un texte de présentation de mon travail pour l’exposition à la Galerie Klokkarstu en 2012, où tu parlais justement d’une évolution dans mes centres d’intérêt. C’est vrai que j’ai très souvent touché à la problématique de mon pays, la guerre, l’identité, la mémoire etc. et qu’à un moment donné, j’ai déplacé mes intérêts vers des sujets plus universels et plus abstraits. Mais il y a des choses enracinées en moi, et cette envie de parler de la société par le biais de l’art revient naturellement. Surtout dans un pays comme le Cambodge où il y a tant des choses à dire.
En tout cas le Cambodge est présent dans ce que je fais comme pourrait l’être le Guatemala. À un moment donné de la préparation de cette dernière exposition au Bophana Center, je ne savais plus si je parlais d’un pays ou de l’autre.
« J’ai toujours aimé la rue », dis-tu. Pourrais-tu développer un peu ce point précis ? D’où te paraît venir cet attrait pour la rue ? Comme poète, j’adore la rue aussi, évidemment, mais je ne suis jamais allé jusqu’à écrire sur les murs... Je n’ai jamais fait de street-poetry, pour le moment. Toi, tu pratiques le street-art. Tu aimes le street-art, le graffiti, le tag, etc. Peux-tu nous dire ce qui t’intéresse dans cette pratique, pouvant rappeler aussi peut-être le muralisme mexicain (?) par le refus de la toile, en tout cas constituant une certaine rupture par rapport aux codes trop bien établis de l’exposition dans une galerie, avec vernissage, cacahuètes et verre de Champagne à la main ? Par ailleurs, au Cambodge, cette pratique était-elle déjà répandue avant que tu n’arrives ? Le street-art est-il populaire là-bas ? Ou es-tu responsable, si l’on peut dire, de cette expansion du street-art là-bas ?
La calle… j’adore voir les gens, le spectacle vivant, l’espace public… Je suis né à Guatemala city et jusqu’aux débuts de l’adolescence je ne connaissais que la ville… J’aimais (et j’aime toujours) vagabonder, me perdre, découvrir mon entourage. Et c’est ce qu’on faisait avec d’autres de mon âge, trainer au centre-ville d’un pays en pleine guerre civile. On ne se rendait pas compte de la dimension de la guerre car la capitale était une espèce de bulle où l’on nous cachait tout ce qui se passait dans le reste du pays. Je me rappelle que sur les murs de la capitale, il y avait plein des tags faisant appel au peuple à prendre les armes, les noms des quatre branches de la guérilla, des portraits photocopiés de disparus, et des affiches de propagande du gouvernement militaire en place. C’était des années sombres et les rues étaient aussi sombres et tristes comme elles le sont toujours un peu à Guatemala city. Mais c’était ça ou rester à la maison.
Je ne crois pas que j’aimais ces rues mais maintenant que j’y pense, je me rends compte que j’aimais ces phrases subversives écrites souvent grossièrement à la bombe rouge ou noire.
Mais ce ne sont que de souvenirs. Le goût pour la rue comme toile m’est venu beaucoup plus tard, après avoir passé pas mal d’années à peindre dans mon atelier à l’huile et à l’acrylique. Je crois que le vrai déclencheur pour commencer à faire du STREET a été la découverte du travail d’Ernest Pignon Ernest. Sa versatilité, son esthétique et les thèmes qu’il aborde m’ont tout de suite séduit et m’ont donné envie d’utiliser la rue comme une espèce de toile suprême. Un support plus vivant, plus complexe et surtout un terrain libre des contraintes de l’art officiel. Modifier le paysage urbain et faire passer des messages directs, ont été deux arguments suffisants pour me lancer à faire des collages et des pochoirs.
Mais je ne me considère pas un street artist (même si j’aime bien cette catégorie dans l’art), je fais ça comme extension d’autres choses. Le pochoir est venu après la sérigraphie, le collage après la photo… enfin, toutes ces pratiques sont gratifiantes mais la réalisation d’une œuvre dans la rue a le petit plus de l’adrénaline sans compter l’effet que par son caractère éphémère, celle-ci est une autre forme de désacralisation de l’art.
Cette pratique de l’art urbain ou street art commence à se développer petit à petit au Cambodge. Je suis venu juste quelques mois après le premier festival Cambodia Urban Art qui a accueilli des artistes cambodgiens et internationaux en 2015. Je n’ai pas vu cette “naissance officielle” du street art ici mais peu de temps après j’ai rencontré l’organisateur qui m’a invité à participer à la deuxième édition en avril de cette année.
En termes de création, je participe à ce mouvement comme les autres artistes, installés ou originaires d’ici en faisant des pochoirs, des tags ou des collages sans penser que je développe quoi que ce soit.
S’il y a une participation “active” elle viendrait plutôt des ateliers d’introduction au street art que j’organise en solo ou en collaboration avec des institutions.
Je pense que le street art est bien reçu par les jeunes cambodgiens et peut se populariser facilement, mais, par contre, il est vu avec méfiance de la part des autorités.
Avec méfiance par ce qu’il est spontané, sans doute... en tout cas bien plus difficile à contrôler que l’art « normal » des galeries, dont tu me sembles percevoir les limites d’ailleurs. La rue, c’est l’herbe de Deleuze, le philosophe français. C’est ce qui pousse entre les pavés, entre les mots, entre les codes. Un espace du possible, d’une certaine manière... Et aussi, c’est l’endroit sublime de la rencontre où, l’espace d’un instant, jaillit « La passante » de Baudelaire. Connais-tu ce texte? Le voici :
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Si l’on isole deux vers de ce texte immense “Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan, / La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.”, il me semble possible d’aborder une autre dimension importante de ton travail, depuis toujours : l’érotisme. Celui des femmes, précisément. Depuis l’époque où tu peignais des femmes bâillonnées avec du rouge à lèvres, des baisers dévorants et des seins nus, il me semble que ton approche a évolué considérablement. Où en es-tu avec “la douceur qui fascine et le plaisir qui tue” ? Cherches-tu toujours à peindre “l’ouragan” des sens, tel Bukowksi ? Où en est le Cambodge, à ce propos ? Même si ton travail avait déjà commencé à évoluer avant ton départ... la découverte de cette nouvelle culture a-t-elle modifié ton approche de la question ?
L’érotisme est un grand mot, porteur de concepts flous et de choses insaisissables. Je peux te dire que j’ai rarement “construit” une œuvre en ne pensant qu’à l’érotisme. Celui-ci a toujours été lié à autre chose. Ou pour être sincère, sur un certain nombre de tableaux, c’est l’autre chose que je voulais peindre. L’érotisme est venu tout seul… Par exemple, cette série dont tu me parles: “Agressions” des femmes bâillonnées avec du rouge à lèvres faite il y a dix ans, je l’ai créée en pensant à une personne que j’ai rencontrée et qui a été séquestrée, abusée et agressée par la police pendant la dictature au Guatemala. Son histoire m’a marqué pour toujours par la brutalité et le sadisme des bourreaux. Je voulais parler de ces faits évidemment mais en parlant plutôt de la pulsion ambigüe et presque imperceptible qui se situe entre le pouvoir et la sexualité.
La France définitivement. Ce n’est pas une question de géographie, il s’agit plutôt de l’opposition Occident-non Occident. Je crois que ce qui me rapproche le plus de ce pays ce sont les similitudes entre l’histoire récente du Cambodge et celle du Guatemala. Je me rappelle avoir lu une phrase de Francis Bacon qui disait que “les hommes se reconnaissent dans la misère” et c’est plus ou moins ce que j’ai ressenti quand j’ai vu de plus près les ravages de cette sorte d’auto-génocide du peuple cambodgien. Cela m’a fait penser à mon propre pays, à ses erreurs, à la capacité des personnes à se remettre debout et à reprendre le cours de la vie pour se reconstruire. Et puis le Cambodge et le Guatemala sont des pays pauvres (en voie de développement pour être politiquement correct) qui connaissent les grands conflits sociaux comme l’inégalité et l’exclusion.
Mais qu’en est-il de la violence (actuelle) ? Sens-tu sur place un niveau d’insécurité comparable à celui de la capitale de ton pays d’origine, Guatemala ? Y’a-t-il des “maras” cambodgiennes ou est-ce un tout autre “fonctionnement”, ou plutôt... “dysfonctionnement” là-bas ?
Il n’y a pas de comparaison. Pour commencer ici au Cambodge Il n’y a pas d’insécurité. Ce sont deux façons différentes de faire face à une réalité sociale similaire.
Le Guatemala d’après-guerre n’a pas réussi à contrôler la violence quotidienne. Il y a même plus de morts violentes par jour que pendant la période de guerre. Qu’est-ce qui a changé?
Seulement l’entrée en jeu de nouveaux acteurs qui ont empiré la situation tels que les narcos et les maras.
La Sécurité ou plutôt l’insécurité est le point où les similitudes entre le Cambodge et le Guatemala bifurquent.
Je ne sais pas ce qui s’est passé au Guatemala, je ne comprends pas comment nous sommes entrés dans cette spirale infernale de la violence. Je pense que cela est le résultat de nombreuses inégalités, de l’injustice et des abus de la part des classes dirigeantes. Une société à qui on a toujours refusé l’accès à l’éducation, à la terre et la richesse est un terrain fertile pour toute forme d’explosion sociale.
Le Cambodge par contre vit une autre forme de violence, moins évidente… silencieuse mais pas moins brutale. C’est la violence de l’exploitation des ouvriers par de grands pouvoirs économiques locaux et internationaux, du non-respect des droits de l’homme, celle de l’exclusion et d’un état policier ou la liberté d’expression n’existe presque pas.
L’insécurité ou la violence telle qu’elle est moins visible ici.
Tu pourrais nous parler comme troisième question de l’influence du Cambodge sur ton travail artistique.
Quels changements peux-tu identifier dans ta manière de concevoir, de pratiquer la création, depuis que tu vis là-bas ?
Es-tu passé par des périodes de doute, de perdition, de déterritorialisation totale ?
En quoi cela a-t-il nourri la suite ? Je n’ai pas l’impression que tu aies ralenti... Au contraire, tu sembles avoir trouvé là-bas une certaine énergie. Est-ce que je me trompe ?
Je réponds d’abord à l’une de tes questions qui attire spécialement mon attention:
-Si j’ai des doutes ? Maintenant que tu le dis… Oui, je me rends compte que j’ai certainement beaucoup de doutes. Ces dernières années, j’ai acquis une assurance en moi et en mon travail, pas une assurance prétentieuse, mais celle qui vient de la pratique constante de l’art. Cette assurance m’a permis de faire une transition réfléchie entre la peinture et d’autres supports comme les objets, la photo, l’installation, etc. Et les doutes ne viennent pas de ce choix d’élargir mes moyens de création. Pour moi, c’est normal qu’un artiste cherche la meilleure façon “d’habiller” ses idées. Je doute surtout des codes, du langage que j’utilise dans mes œuvres, toujours si occidentales, toujours si attachés à MOI et ma propre culture qui risquent de ne pas être compris en dehors de leur contexte. La déterritorialisation comme tu l’a bien nommée.
Je ne me sens pas perdu, pas plus perdu ici qu’en France, et pour être sincère je ne cherche pas trop à me retrouver.
Je doute de ma façon de construire, c’est vrai, mais je doute aussi de l’engagement du public pour comprendre l’art contemporain, des institutions d’art, des galeristes, et je doute surtout des idées figées de la part des artistes et du public sur ce que l’art “doit” être.
Pour l’influence du Cambodge dans mon travail, je ne sais pas si c’est vraiment une influence ou si les idées se sont développées ici par une force d’inertie.
À Paris, j’avais commencé à créer des œuvres avec des objets existants -comme les livres d’occasion, des moulages en plastique, des mains de mannequins-vitrine etc.- sur lesquels j’intervenais pour en donner une nouvelle lecture. Cette idée était aussi associée au rapport entre l’œuvre et l’argent. Je voulais rompre les liens entre la capacité financière et la création artistique. Je ne voulais pas que l’argent soit une source de frustrations pour la réalisation de mes œuvres. Et puis cela m’a obligé à concentrer mon attention sur la construction de l’idée.
Lors de la dernière exposition au Bophana Center à Phnom Penh, j’ai présenté une œuvre sonore, appelée “Futurs souvenirs”. Ce sont des enregistrements qui parlent de cet endroit et de ce moment, c’est-à-dire le Cambodge d’après-guerre. J’ai dû marcher pendant des heures et des heures à la chasse au son, téléphone portable à la main en mode capture d’audio, mais c’était très enrichissant et cohérent avec cette idée que j’avais de créer avec peu de moyens. Et puis, ce n’était pas un effort, j’ai toujours aimé la rue.
Dans ma production personnelle comme je te disais précédemment, je pousse ma recherche sur l’art des objets: les revisiter, les associer, les détourner, construire avec le langage symbolique et les formes de ces objets. Je voudrais me détacher de toute recette de l’art et le désacraliser… créer avec ce que j’ai à portée de main.
Concernant mon “rythme de production”, moi non plus, je n’ai pas l’impression d’avoir ralenti, peut-être de produire moins mais ça ce n’est pas ralentir. Je passe beaucoup plus de temps à la réflexion et à la conception d’une œuvre qu’à sa réalisation. En tout cas, beaucoup plus de temps ici qu’en France.
Pour cette énergie dont tu parles, je crois que je la connaissais déjà. Je revis cette sensation d’après-guerre que j’ai connue au Guatemala. Je me rappelle que tu avais écrit un texte de présentation de mon travail pour l’exposition à la Galerie Klokkarstu en 2012, où tu parlais justement d’une évolution dans mes centres d’intérêt. C’est vrai que j’ai très souvent touché à la problématique de mon pays, la guerre, l’identité, la mémoire etc. et qu’à un moment donné, j’ai déplacé mes intérêts vers des sujets plus universels et plus abstraits. Mais il y a des choses enracinées en moi, et cette envie de parler de la société par le biais de l’art revient naturellement. Surtout dans un pays comme le Cambodge où il y a tant des choses à dire.
En tout cas le Cambodge est présent dans ce que je fais comme pourrait l’être le Guatemala. À un moment donné de la préparation de cette dernière exposition au Bophana Center, je ne savais plus si je parlais d’un pays ou de l’autre.
« J’ai toujours aimé la rue », dis-tu. Pourrais-tu développer un peu ce point précis ? D’où te paraît venir cet attrait pour la rue ? Comme poète, j’adore la rue aussi, évidemment, mais je ne suis jamais allé jusqu’à écrire sur les murs... Je n’ai jamais fait de street-poetry, pour le moment. Toi, tu pratiques le street-art. Tu aimes le street-art, le graffiti, le tag, etc. Peux-tu nous dire ce qui t’intéresse dans cette pratique, pouvant rappeler aussi peut-être le muralisme mexicain (?) par le refus de la toile, en tout cas constituant une certaine rupture par rapport aux codes trop bien établis de l’exposition dans une galerie, avec vernissage, cacahuètes et verre de Champagne à la main ? Par ailleurs, au Cambodge, cette pratique était-elle déjà répandue avant que tu n’arrives ? Le street-art est-il populaire là-bas ? Ou es-tu responsable, si l’on peut dire, de cette expansion du street-art là-bas ?
La calle… j’adore voir les gens, le spectacle vivant, l’espace public… Je suis né à Guatemala city et jusqu’aux débuts de l’adolescence je ne connaissais que la ville… J’aimais (et j’aime toujours) vagabonder, me perdre, découvrir mon entourage. Et c’est ce qu’on faisait avec d’autres de mon âge, trainer au centre-ville d’un pays en pleine guerre civile. On ne se rendait pas compte de la dimension de la guerre car la capitale était une espèce de bulle où l’on nous cachait tout ce qui se passait dans le reste du pays. Je me rappelle que sur les murs de la capitale, il y avait plein des tags faisant appel au peuple à prendre les armes, les noms des quatre branches de la guérilla, des portraits photocopiés de disparus, et des affiches de propagande du gouvernement militaire en place. C’était des années sombres et les rues étaient aussi sombres et tristes comme elles le sont toujours un peu à Guatemala city. Mais c’était ça ou rester à la maison.
Je ne crois pas que j’aimais ces rues mais maintenant que j’y pense, je me rends compte que j’aimais ces phrases subversives écrites souvent grossièrement à la bombe rouge ou noire.
Mais ce ne sont que de souvenirs. Le goût pour la rue comme toile m’est venu beaucoup plus tard, après avoir passé pas mal d’années à peindre dans mon atelier à l’huile et à l’acrylique. Je crois que le vrai déclencheur pour commencer à faire du STREET a été la découverte du travail d’Ernest Pignon Ernest. Sa versatilité, son esthétique et les thèmes qu’il aborde m’ont tout de suite séduit et m’ont donné envie d’utiliser la rue comme une espèce de toile suprême. Un support plus vivant, plus complexe et surtout un terrain libre des contraintes de l’art officiel. Modifier le paysage urbain et faire passer des messages directs, ont été deux arguments suffisants pour me lancer à faire des collages et des pochoirs.
Mais je ne me considère pas un street artist (même si j’aime bien cette catégorie dans l’art), je fais ça comme extension d’autres choses. Le pochoir est venu après la sérigraphie, le collage après la photo… enfin, toutes ces pratiques sont gratifiantes mais la réalisation d’une œuvre dans la rue a le petit plus de l’adrénaline sans compter l’effet que par son caractère éphémère, celle-ci est une autre forme de désacralisation de l’art.
Cette pratique de l’art urbain ou street art commence à se développer petit à petit au Cambodge. Je suis venu juste quelques mois après le premier festival Cambodia Urban Art qui a accueilli des artistes cambodgiens et internationaux en 2015. Je n’ai pas vu cette “naissance officielle” du street art ici mais peu de temps après j’ai rencontré l’organisateur qui m’a invité à participer à la deuxième édition en avril de cette année.
En termes de création, je participe à ce mouvement comme les autres artistes, installés ou originaires d’ici en faisant des pochoirs, des tags ou des collages sans penser que je développe quoi que ce soit.
S’il y a une participation “active” elle viendrait plutôt des ateliers d’introduction au street art que j’organise en solo ou en collaboration avec des institutions.
Je pense que le street art est bien reçu par les jeunes cambodgiens et peut se populariser facilement, mais, par contre, il est vu avec méfiance de la part des autorités.
Avec méfiance par ce qu’il est spontané, sans doute... en tout cas bien plus difficile à contrôler que l’art « normal » des galeries, dont tu me sembles percevoir les limites d’ailleurs. La rue, c’est l’herbe de Deleuze, le philosophe français. C’est ce qui pousse entre les pavés, entre les mots, entre les codes. Un espace du possible, d’une certaine manière... Et aussi, c’est l’endroit sublime de la rencontre où, l’espace d’un instant, jaillit « La passante » de Baudelaire. Connais-tu ce texte? Le voici :
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Si l’on isole deux vers de ce texte immense “Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan, / La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.”, il me semble possible d’aborder une autre dimension importante de ton travail, depuis toujours : l’érotisme. Celui des femmes, précisément. Depuis l’époque où tu peignais des femmes bâillonnées avec du rouge à lèvres, des baisers dévorants et des seins nus, il me semble que ton approche a évolué considérablement. Où en es-tu avec “la douceur qui fascine et le plaisir qui tue” ? Cherches-tu toujours à peindre “l’ouragan” des sens, tel Bukowksi ? Où en est le Cambodge, à ce propos ? Même si ton travail avait déjà commencé à évoluer avant ton départ... la découverte de cette nouvelle culture a-t-elle modifié ton approche de la question ?
L’érotisme est un grand mot, porteur de concepts flous et de choses insaisissables. Je peux te dire que j’ai rarement “construit” une œuvre en ne pensant qu’à l’érotisme. Celui-ci a toujours été lié à autre chose. Ou pour être sincère, sur un certain nombre de tableaux, c’est l’autre chose que je voulais peindre. L’érotisme est venu tout seul… Par exemple, cette série dont tu me parles: “Agressions” des femmes bâillonnées avec du rouge à lèvres faite il y a dix ans, je l’ai créée en pensant à une personne que j’ai rencontrée et qui a été séquestrée, abusée et agressée par la police pendant la dictature au Guatemala. Son histoire m’a marqué pour toujours par la brutalité et le sadisme des bourreaux. Je voulais parler de ces faits évidemment mais en parlant plutôt de la pulsion ambigüe et presque imperceptible qui se situe entre le pouvoir et la sexualité.
Le philosophe Georges Donnet a écrit un texte pour cette série, dont je partage un extrait, parce que je trouve qu’il a ce pouvoir de mettre en mots ce que j’ai essayé de mettre en images:
“Les tableaux d’Erick Gonzalez sont (…) profonds et manifestes, esthétiques et politiques, Ils nous parlent parce qu’ils expriment cet érotisme enfoui, cette sensualité où se mêlent beauté et dureté, avec ce sentiment de culpabilité très privé qui nous effraie en raison des fantasmes qu’ils réveillent”.
Je voulais parler de cette nature humaine tellement complexe et instable, prête à basculer du côté animal à la première occasion… Mais je n’ai voulu à aucun moment dédramatiser ce qui s’est passé au Guatemala. Le rouge à lèvres, les yeux bandés, la lumière zénithale, toute cette mise en scène a été faite pour bien marquer l’agression sexuelle.
Sinon, j’ai toujours aimé peindre les gens nus, seuls, dépourvus de tout moyen de défense. Je n’ai jamais voulu peindre des femmes uniquement pour leur beauté. Cela n’a pas vraiment d’intérêt pour moi. Mais c’est vrai que parfois j’ajoute quelques accessoires qui peuvent brouiller la perception d’un tableau. Je sais que montrer une femme en blue jeans serré et au torse nu peut guider notre attention vers le côté érotique. Je joue avec ces codes sociaux et m’amuse beaucoup quand je peins. La peinture sans l’érotisme serait trop ennuyante.
“Les tableaux d’Erick Gonzalez sont (…) profonds et manifestes, esthétiques et politiques, Ils nous parlent parce qu’ils expriment cet érotisme enfoui, cette sensualité où se mêlent beauté et dureté, avec ce sentiment de culpabilité très privé qui nous effraie en raison des fantasmes qu’ils réveillent”.
Je voulais parler de cette nature humaine tellement complexe et instable, prête à basculer du côté animal à la première occasion… Mais je n’ai voulu à aucun moment dédramatiser ce qui s’est passé au Guatemala. Le rouge à lèvres, les yeux bandés, la lumière zénithale, toute cette mise en scène a été faite pour bien marquer l’agression sexuelle.
Sinon, j’ai toujours aimé peindre les gens nus, seuls, dépourvus de tout moyen de défense. Je n’ai jamais voulu peindre des femmes uniquement pour leur beauté. Cela n’a pas vraiment d’intérêt pour moi. Mais c’est vrai que parfois j’ajoute quelques accessoires qui peuvent brouiller la perception d’un tableau. Je sais que montrer une femme en blue jeans serré et au torse nu peut guider notre attention vers le côté érotique. Je joue avec ces codes sociaux et m’amuse beaucoup quand je peins. La peinture sans l’érotisme serait trop ennuyante.
Mais revenons à ta question… si je peins “la douceur qui fascine et le plaisir qui tue”… ?
Je peins (ou je représente plutôt) cette ligne imaginaire ou à une extrémité se trouve le plaisir et de l’autre, la douleur. Mais je ne vois pas cette dichotomie comme une contradiction… Pour moi, un extrême sublime l’autre et vice versa.
Je représente des femmes mais ça n’est que la forme, le vrai fond c’est moi, je parle de moi, de toi, de tout le monde. Pas de la fille représentée sur la toile ou la photo.
Et puis pour moi, déshabiller un modèle c’est habiller une idée, utiliser un corps comme un moyen discursif.
Et l’ouragan des sens? Je ne sais pas si mes œuvres réveillent ce genre des sensations. Construire une œuvre comme Bukowski construit une phrase serait géniale, et je ferais tout pour que mes œuvres réveillent au moins des questions sur notre propre nature. Mais les choses se tissent à leur rythme, elles murissent petit à petit.
En tant que spectateur, mes sens s’éveillent parfois devant une œuvre qui n’est pas forcément érotique. Je suis autant sensible à un dessin d’Egon Schiele qu’à une œuvre conceptuelle, abstraite ou autre. Une œuvre aboutie me fait vibrer de la même façon.
Représenter l’érotisme n’est pas une chose facile, et je ne sais pas si je pourrai construire une œuvre érotique. Je représente ce que j’aime, ce que j’aimerais voir, et je le fais tout en laissant parler mon intuition. Si ça parle aux autres tant mieux!
Je peins (ou je représente plutôt) cette ligne imaginaire ou à une extrémité se trouve le plaisir et de l’autre, la douleur. Mais je ne vois pas cette dichotomie comme une contradiction… Pour moi, un extrême sublime l’autre et vice versa.
Je représente des femmes mais ça n’est que la forme, le vrai fond c’est moi, je parle de moi, de toi, de tout le monde. Pas de la fille représentée sur la toile ou la photo.
Et puis pour moi, déshabiller un modèle c’est habiller une idée, utiliser un corps comme un moyen discursif.
Et l’ouragan des sens? Je ne sais pas si mes œuvres réveillent ce genre des sensations. Construire une œuvre comme Bukowski construit une phrase serait géniale, et je ferais tout pour que mes œuvres réveillent au moins des questions sur notre propre nature. Mais les choses se tissent à leur rythme, elles murissent petit à petit.
En tant que spectateur, mes sens s’éveillent parfois devant une œuvre qui n’est pas forcément érotique. Je suis autant sensible à un dessin d’Egon Schiele qu’à une œuvre conceptuelle, abstraite ou autre. Une œuvre aboutie me fait vibrer de la même façon.
Représenter l’érotisme n’est pas une chose facile, et je ne sais pas si je pourrai construire une œuvre érotique. Je représente ce que j’aime, ce que j’aimerais voir, et je le fais tout en laissant parler mon intuition. Si ça parle aux autres tant mieux!
Je trouve ça intéressant que tu parles d’intuition. C’est un mot très important, évidemment, dans tout travail artistique. En même temps, tu cites le philosophe Georges Donnet, qui a théorisé de manière très profonde à partir de tes œuvres. Des deux approches, intuitive et théorique, doit-on forcément en conclure que c’est la première qui prédomine chez toi ? Lorsque je regarde certaines de tes œuvres, les objets surtout, j’ai l’impression de regarder des travaux très réfléchis, très “pensés”, si je puis dire, avant leur réalisation. Rien à voir en tout cas avec un jet de peinture nerveux ou plutôt énergique à la Jackson Pollock. Peut-on dire que tu es un artiste conceptuel, ou cette idée de concept (très à la mode) t’emmerde-t-elle ? Quelle place accordes-tu à la réflexion dans ton travail ? Comment fais-tu pour laisser toute sa place à la spontanéité, au hasard, tout en cherchant à réaliser des œuvres très réfléchies et construites intellectuellement ? Comment concilier ces contraires (en admettant qu’il s’agisse réellement de contraires) ? Comment avancer sur cette corde raide ?
C’est vrai que je ne parle jamais d’intuition dans mon travail, c’est un mot qui me vient rarement à l’esprit. J’en parle aujourd’hui parce que l’on touche à deux sujets fortement liés au champ de l’intuition.
La peinture, d’un côté, qui se déroule ou se déroulait très souvent sur le terrain de l’intuition. Je pense à la peinture moderne en tout cas, où les artistes cherchaient par ce biais la meilleure façon de faire des représentations subjectives. Et L’érotisme, terrain nébuleux où j’ai expérimenté une approche plus efficace par le chemin de l’intuition que par celui de la raison.
Ça a été une conjonction des choses, c’était la période où je ne faisais que de la peinture et le moment je cherchais une approche plus profonde à l’érotisme. La raison n’ouvre pas toujours les portes de ces concepts de nature furtive.
Actuellement je me sers beaucoup plus de la réflexion parce que j’ai changé tout au long de ma carrière. Je suis une courbe naturelle qui m’a conduite de ce côté du champ. Ma recherche et mes intérêts m’ont amené à ce moment-là ou je construis des objets. Et je dis bien "je construis" car chaque élément d’une œuvre est calculé ne laissant pas une grande place pour l’intuition. Si celle-ci est présente, elle le sera au moment de la conception de l’idée ou dans le choix des sujets.
Je réfléchis beaucoup avant de réaliser un objet, mais cela ne fait pas de moi un artiste conceptuel. Je considère l’art conceptuel comme un art majeur qui a influencé une grande diversité des démarches artistiques actuelles et dont je ne suis pas à l’abri mais je ne le suis pas dans le sens strict du terme.
Ce qui pourrait m’embeter, c’est le fait d’utiliser ce genre de “label” pour légitimer un artiste actuel.
Comme tu dis, la plupart des nouveaux artistes se dissent conceptuels car ça fait “in” mais le dit “art conceptuel” est aussi un terrain qui se prête à la charlatanerie, à la pseudo philosophie et à la manipulation de l’art et des concepts liés à celui-ci.
Je crois qu’il faudra laisser ces catégories de côté et se focaliser sur la sensibilité de l’artiste et sa capacité à comprendre le monde qui l’entoure. Mais surtout sur sa capacité à transformer ces éléments de perception en “objet d’art” réunissant les dimensions conceptuelles, esthétiques et émotionnelles.
Je cherche à construire ces trois piliers dans mes œuvres (je dis bien JE CHERCHE) et depuis que je crée des objets; c’est bien la raison qui gagne du terrain sur l’intuition.
C’est vrai que je ne parle jamais d’intuition dans mon travail, c’est un mot qui me vient rarement à l’esprit. J’en parle aujourd’hui parce que l’on touche à deux sujets fortement liés au champ de l’intuition.
La peinture, d’un côté, qui se déroule ou se déroulait très souvent sur le terrain de l’intuition. Je pense à la peinture moderne en tout cas, où les artistes cherchaient par ce biais la meilleure façon de faire des représentations subjectives. Et L’érotisme, terrain nébuleux où j’ai expérimenté une approche plus efficace par le chemin de l’intuition que par celui de la raison.
Ça a été une conjonction des choses, c’était la période où je ne faisais que de la peinture et le moment je cherchais une approche plus profonde à l’érotisme. La raison n’ouvre pas toujours les portes de ces concepts de nature furtive.
Actuellement je me sers beaucoup plus de la réflexion parce que j’ai changé tout au long de ma carrière. Je suis une courbe naturelle qui m’a conduite de ce côté du champ. Ma recherche et mes intérêts m’ont amené à ce moment-là ou je construis des objets. Et je dis bien "je construis" car chaque élément d’une œuvre est calculé ne laissant pas une grande place pour l’intuition. Si celle-ci est présente, elle le sera au moment de la conception de l’idée ou dans le choix des sujets.
Je réfléchis beaucoup avant de réaliser un objet, mais cela ne fait pas de moi un artiste conceptuel. Je considère l’art conceptuel comme un art majeur qui a influencé une grande diversité des démarches artistiques actuelles et dont je ne suis pas à l’abri mais je ne le suis pas dans le sens strict du terme.
Ce qui pourrait m’embeter, c’est le fait d’utiliser ce genre de “label” pour légitimer un artiste actuel.
Comme tu dis, la plupart des nouveaux artistes se dissent conceptuels car ça fait “in” mais le dit “art conceptuel” est aussi un terrain qui se prête à la charlatanerie, à la pseudo philosophie et à la manipulation de l’art et des concepts liés à celui-ci.
Je crois qu’il faudra laisser ces catégories de côté et se focaliser sur la sensibilité de l’artiste et sa capacité à comprendre le monde qui l’entoure. Mais surtout sur sa capacité à transformer ces éléments de perception en “objet d’art” réunissant les dimensions conceptuelles, esthétiques et émotionnelles.
Je cherche à construire ces trois piliers dans mes œuvres (je dis bien JE CHERCHE) et depuis que je crée des objets; c’est bien la raison qui gagne du terrain sur l’intuition.
L'Eternel retour
Objet -Livre Sculpture
2015
“Tout va, tout revient, la roue de l’existence tourne éternellement. Tout meurt, tout refleurit, le cycle de l’existence se poursuit éternellement.
Tout se brise, tout s’assemble à nouveau ; éternellement se bâtit le même édifice de l’existence. Tout se sépare, tout se salue de nouveau ; l’anneau del’existence se reste éternellement fidèle à lui-même”.
Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra
Alors puisqu’on aborde la thématique de la raison, de la pensée en relation avec la « conception » (dans le bon sens du terme) d’un objet artistique, j’aimerais t’interroger, de manière plus vaste, sur la relation que tu entretiens avec les autres domaines de l’art : la littérature, bien sûr, mais aussi la musique, le cinéma, etc. Je sais par exemple – depuis le temps qu’on se connaît ! – que tu entretiens avec certains poètes des relations d’amitié, mais pas seulement. Je crois que leurs mots, leurs images, leurs façons d’envisager la réalité te nourrissent aussi pour aller vers la création. Pourrais-tu, toi aussi, écrire un jour ? Ou préfères-tu laisser à la création poétique sa force de détonateur marginal, à la lisière toujours de ton propre travail plastique ? Pourrais-tu également nous parler brièvement (ou longuement !) des artistes « non-plastiques » qui t’ont donné de l’énergie et continuent à t’en donner ?
Je pense que le goût pour l’art est un seul et celui-ci englobe tout ce qui touche les cordes sensibles de ton esprit, ça peut venir de la musique comme de littérature ou des arts visuels... Pour moi toutes le branches de l’art partent ou se rejoignent dans un point imprécis de ton être intérieur qui vibre devant l’évènement artistique sans que tu sagches exactement pourquoi.
Mais le pouvoir des mots n’a pas de comparaison et je suis toujours admiratif de ceux qui, utilisant les mêmes mots que je connais, arrivent à construire des phrases qui dévoilent des choses essentielles de la vie, de la nature humaine et de l’existence.
Je pense que le goût pour l’art est un seul et celui-ci englobe tout ce qui touche les cordes sensibles de ton esprit, ça peut venir de la musique comme de littérature ou des arts visuels... Pour moi toutes le branches de l’art partent ou se rejoignent dans un point imprécis de ton être intérieur qui vibre devant l’évènement artistique sans que tu sagches exactement pourquoi.
Mais le pouvoir des mots n’a pas de comparaison et je suis toujours admiratif de ceux qui, utilisant les mêmes mots que je connais, arrivent à construire des phrases qui dévoilent des choses essentielles de la vie, de la nature humaine et de l’existence.
C’est pour cela que la littérature a toujours été importante dans mon travail. Mes deux premières expositions personnelles ont été axées sur des textes de Luis Cardoza y Aragon, un écrivain clé dans l’histoire de mon pays d’origine, le Guatemala. La première: “Ojo y voz” au Guatemala en 2008 et la deuxième l’année suivante: “Guatemala las lîneas de su mano” au siège de l’UNESCO à Paris. La lecture de ce dernier m’a fortement marqué et m’a appris beaucoup de choses sur mon identité et sur celle des autres.
Je lis et je me sers de la littérature parce qu’elle m’apprend des choses sur la société, sur l’histoire et sur les affaires humaines. La poésie et la philosophie, en revanche, m’aident à mieux comprendre les choses profondes de la vie (dans les limites de ma compréhension, bien entendu puisque je ne suis ni poète ni philosophe).
Quelques années plus tard et bien installé à Paris, j’ai organisé l’exposition “Réflexions sur le vide” avec l’artiste guatémaltèque Alvaro Sanches en hommage à l’écrivain Emil Cioran, qui a toujours été une source d’inspiration dans mon travail et... je me permettrais même de dire: dans notre travail.
Le français Georges Bataille est aussi très présent bien que moins visible dans mes œuvres. Surtout sur celles dont on a parlé pour la question de l’érotisme. Je trouve qu’il est le maître qui sait parler des deux pulsions les plus présentes dans la nature humaine, l’érotisme et la conscience de la mort. Il est terrible! Il cherche toujours à creuser plus loin dans les zones obscures de la conscience. Pour moi, la découverte de Bataille a été comme un électrochoc. Je pourrais dire qu’il a rajouté du noir dans ma palette.
Revenant à ta question, un artiste se nourrit d’art tout simplement et celui-ci se trouve en petites doses dans presque toute la construction humaine. “L’art est tout ce qui n’est pas naturel” a laissé entrevoir Picasso.
Et puis, lire c’est voir la réalité autrement. La poésie est révélatrice et porteuse d'images inimaginables avant d’être écrites.
Personnellement je me méfie des artistes qui n’aiment pas la lecture, ou la musique ou la cuisine, le théâtre, le cinéma, etc... Les particules élémentaires de l’art se trouvent dans toutes ses branches.
Si j’écris?... Oui, j’écris, j’ai fait un petit roman ou un conte long (je ne sais pas comment le classer) entre 2013 et 2015 pendant que j’habitais à Paris. Je n’en parle presque pas parce que je n’ai pas la prétention d’être un écrivain et je ne l’ai fait que pour mon plaisir, même si ce plaisir m’a demandé beaucoup de temps et beaucoup de réflexion. J’ai adoré cet effort mental que demande la pratique littéraire. J’ai adoré cet effort qui m’a obligé à revoir mes convictions et à mettre en mots des choses qui étaient en moi mais qui n’avaient pas une forme précise.
La création littéraire ressemble d’une certaine façon à la création visuelle mais c’est autre chose. Il s’agit de jouer et de construire avec la signification des mots et pas avec la signification des formes ou des symbolismes. Si l’on parle de poésie, je dirais que l’objet cherché pour les deux disciplines est le même mais les moyens pour l’atteindre sont différents.
La littérature est vaste! Thanks heaven! Et je pense qu’elle nous apprend des choses sur la vie tout simplement.
Concernant la musique c’est comme une relation passionnelle. La musique modifie mes états d’âme et je la considère nécessaire, elle est comme un jardin sonore personnel et un vecteur d’émotions. J’écoute plusieurs genres de musique mais les plus récurrents sont le rock, le hip hop, le folk et les vieilles chansons de jazz (Billie Holliday, Ella Fitzgerald, Nina Simone, etc.). Quand mon esprit me le demande, et moins souvent, un peu de Bach, du tango ou de la musique asiatique que je découvre.
“En ce qui concerne Cioran d’ailleurs – puisque tu mentionnes l’importance de ce penseur, pour toi, qui durant sa vie est passé de la langue roumaine au français... je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase qui t’a profondément marqué au point de la taguer sur les murs de Paris à une époque : « Nous sommes tous au fond d’un enfer dont chaque instant est un miracle. » Pourrais-tu nous parler un peu de la signification foudroyante de cette phrase essentielle ? Qu’est-ce que cette phrase agite en toi ? Qu’est-ce qu’elle allume comme étincelle vitale ? D’une manière plus générale, continues-tu à percevoir le fait d’être né comme un « inconvénient » ? « Naissance et chaîne sont synonymes. Voir le jour, voir des menottes... », disait Cioran. Créer au lieu d’engendrer... donner vie à des œuvres rebelles plutôt qu’à des enfants enchaînés... est-ce pour toi la meilleure manière d’insulter les menottes ?
J’ai l’impression que les gens ont besoin de s’accrocher à quelque chose pour oublier le drame de la vie, c’est à dire: la conscience de la mort. Peut-être pas la leur mais celle des autres, celle du reste... Car tout meurt, tout disparaît, tout change, la seule constante est la mort et ça on ne pourra jamais l’oublier.
La mort ou le temps de vie, les deux sont angoissants. La finitude des choses en tout cas, et ça nous ramène au temps. Le temps est l’enfer dont Cioran parle, cette espèce de cage dont personne ne sort vivant.
Je lis et je me sers de la littérature parce qu’elle m’apprend des choses sur la société, sur l’histoire et sur les affaires humaines. La poésie et la philosophie, en revanche, m’aident à mieux comprendre les choses profondes de la vie (dans les limites de ma compréhension, bien entendu puisque je ne suis ni poète ni philosophe).
Quelques années plus tard et bien installé à Paris, j’ai organisé l’exposition “Réflexions sur le vide” avec l’artiste guatémaltèque Alvaro Sanches en hommage à l’écrivain Emil Cioran, qui a toujours été une source d’inspiration dans mon travail et... je me permettrais même de dire: dans notre travail.
Le français Georges Bataille est aussi très présent bien que moins visible dans mes œuvres. Surtout sur celles dont on a parlé pour la question de l’érotisme. Je trouve qu’il est le maître qui sait parler des deux pulsions les plus présentes dans la nature humaine, l’érotisme et la conscience de la mort. Il est terrible! Il cherche toujours à creuser plus loin dans les zones obscures de la conscience. Pour moi, la découverte de Bataille a été comme un électrochoc. Je pourrais dire qu’il a rajouté du noir dans ma palette.
Revenant à ta question, un artiste se nourrit d’art tout simplement et celui-ci se trouve en petites doses dans presque toute la construction humaine. “L’art est tout ce qui n’est pas naturel” a laissé entrevoir Picasso.
Et puis, lire c’est voir la réalité autrement. La poésie est révélatrice et porteuse d'images inimaginables avant d’être écrites.
Personnellement je me méfie des artistes qui n’aiment pas la lecture, ou la musique ou la cuisine, le théâtre, le cinéma, etc... Les particules élémentaires de l’art se trouvent dans toutes ses branches.
Si j’écris?... Oui, j’écris, j’ai fait un petit roman ou un conte long (je ne sais pas comment le classer) entre 2013 et 2015 pendant que j’habitais à Paris. Je n’en parle presque pas parce que je n’ai pas la prétention d’être un écrivain et je ne l’ai fait que pour mon plaisir, même si ce plaisir m’a demandé beaucoup de temps et beaucoup de réflexion. J’ai adoré cet effort mental que demande la pratique littéraire. J’ai adoré cet effort qui m’a obligé à revoir mes convictions et à mettre en mots des choses qui étaient en moi mais qui n’avaient pas une forme précise.
La création littéraire ressemble d’une certaine façon à la création visuelle mais c’est autre chose. Il s’agit de jouer et de construire avec la signification des mots et pas avec la signification des formes ou des symbolismes. Si l’on parle de poésie, je dirais que l’objet cherché pour les deux disciplines est le même mais les moyens pour l’atteindre sont différents.
La littérature est vaste! Thanks heaven! Et je pense qu’elle nous apprend des choses sur la vie tout simplement.
Concernant la musique c’est comme une relation passionnelle. La musique modifie mes états d’âme et je la considère nécessaire, elle est comme un jardin sonore personnel et un vecteur d’émotions. J’écoute plusieurs genres de musique mais les plus récurrents sont le rock, le hip hop, le folk et les vieilles chansons de jazz (Billie Holliday, Ella Fitzgerald, Nina Simone, etc.). Quand mon esprit me le demande, et moins souvent, un peu de Bach, du tango ou de la musique asiatique que je découvre.
“En ce qui concerne Cioran d’ailleurs – puisque tu mentionnes l’importance de ce penseur, pour toi, qui durant sa vie est passé de la langue roumaine au français... je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase qui t’a profondément marqué au point de la taguer sur les murs de Paris à une époque : « Nous sommes tous au fond d’un enfer dont chaque instant est un miracle. » Pourrais-tu nous parler un peu de la signification foudroyante de cette phrase essentielle ? Qu’est-ce que cette phrase agite en toi ? Qu’est-ce qu’elle allume comme étincelle vitale ? D’une manière plus générale, continues-tu à percevoir le fait d’être né comme un « inconvénient » ? « Naissance et chaîne sont synonymes. Voir le jour, voir des menottes... », disait Cioran. Créer au lieu d’engendrer... donner vie à des œuvres rebelles plutôt qu’à des enfants enchaînés... est-ce pour toi la meilleure manière d’insulter les menottes ?
J’ai l’impression que les gens ont besoin de s’accrocher à quelque chose pour oublier le drame de la vie, c’est à dire: la conscience de la mort. Peut-être pas la leur mais celle des autres, celle du reste... Car tout meurt, tout disparaît, tout change, la seule constante est la mort et ça on ne pourra jamais l’oublier.
La mort ou le temps de vie, les deux sont angoissants. La finitude des choses en tout cas, et ça nous ramène au temps. Le temps est l’enfer dont Cioran parle, cette espèce de cage dont personne ne sort vivant.
J’habitais à Paris quand j’ai fait ce pochoir, et ce n’est pas anodin, Paris était pour moi (à ce moment-là) une espèce de cage bien décorée où tout était fait pour qu’on oublie les choses importantes de la vie. Je me suis senti comme si j’étais tombé dans ce piège et que -moi même- je voulais m’accrocher à la beauté de cette ville et à toute la gloire du passé qui envahit encore l’imaginaire français -et pas seulement d’ailleurs! J’avais l’impression de me battre tous les jours pour survivre et pour trouver ma place dans cette ville, parfois charmante, parfois hostile... souvent hostile à ce moment-là.
J’ai commencé à sentir l’eau qui montait jusqu’au cou, et puis je suis tombé sur cette phrase...
“Nous sommes tous au fond d’un enfer dont chaque instant est un miracle... “
Et je ne ressentis aucun pessimisme là-dedans. Pour moi c’était plutôt un rappel à voir la vie, à se retourner vers l’essentiel. Le miracle du moment présent qui est la seule chose que nous “avons” entre les mains (ou cas où l’on pourrait avoir quoi que ce soit).
Alors j’ai songé à Cioran, et je me disais qu’il ne doit écrire que pour lui-même, et je pense que j’ai fait pareil. Peut-être que ces pochoirs m’étaient destinés inconsciemment. Peut-être que je voulais me rappeler que l’essentiel est ailleurs, que le sens de la vie ne se trouve pas sur la façade des choses, ni dans la vie matérielle. Je sais que cette phrase m’a servi comme accroche à ce moment difficile de ma vie et que le pouvoir des mots m’a encore aidé à rester à flot. Finalement ce genre de réflexions ne fonctionne que pour sa propre personne. Alors j’ai commencé à mettre cette phrase partout mais surtout aux alentours des bars que je fréquentais à Paris
Les phrases de Cioran ont cette force de secouer tes neurones et de te ramener à la réflexion pour essayer de mieux comprendre ce sacré bordel qui est le monde et l’extravagance de l’être humain -si l’on reprend ses mots. Mais il est aussi ce philosophe qui te rassure mettant en mots ce sentiment du Blue, Saudade, Mélancolie (ou toute autre façon de nommer ce sentiment), te donnant des raisons concrètes pour ne pas tomber dans le mirage de la vie en rose.
Quand je suis down, je lis Cioran et je finis toujours par sourire. J’adore sa lucidité, son sens de l’ironie et son “pessimisme”.
Ce n’est pas ce dernier que je cherche a priori, mais j’ai l’impression de ne pas être le seul à voir la vie en gris et ça me met de bonne humeur.
Pour la deuxième partie de ta question: Je ne considère pas la vie comme un “inconvénient” et je n’ai rien contre “le fait d’être né”. Je suis seulement conscient de la folie humaine reflétée tout au long de l’histoire du monde et j’en suis toujours méfiant. L’homme est un prédateur impitoyable, dénaturalisé et fou de pouvoir.
La procréation donc ne me séduit pas autant que la création, ça c’est sûr, mais je n’opposerais pas ces deux termes. Je pense que la procréation te donne un angle de vision différent sur la vie et sur la mort et par conséquence, une autre façon de créer.
Puisqu’on en est à évoquer la création et la procréation... comment envisages-tu ton futur humain, géographique et artistique ? Où penses-tu vivre, aller, faire prochainement ? As-tu de tout cela une mince idée ou préfères-tu improviser plutôt au temps présent ?
Je ne le sais pas. J’ai découvert quelques pays d’Asie et je ne pourrai pas m’arrêter là. Ce continent est vaste et je veux tout voir. Je suis séduit par ce côté du monde et par la diversité des cultures. J’aimerais vivre trois vies et voyager, voyager car ça me donne une énergie nécessaire.
Concernant l’art, j’essaie de faire à mon rythme, je n’ai pas des contraintes, c’est un plaisir qui vit en moi et que j’exprime parce que j’en ai besoin. Je suis détaché du marché de l’art, j'en fais pour moi. Je ne cherche plus la reconnaissance; ça ne fait que polluer la démarche des artistes. J’aimerais vivre de mon travail et faire tourner la roue pour financer d’autres projets mais si ça ne vient pas, il faudra faire avec. Je travaille dans la communication et la création graphique et cela me permet d’être plus indépendant dans ma recherche artistique.
Pour l’instant, je reste ici. J’adore le Cambodge et je me vois mal, ou moins bien, ailleurs qu’ici. J’aime les Cambodgiens aussi, ils ont gardé quelque chose d’intact malgré l’enfer qu’ils ont vécu.
J’ai l’impression que ma vie est coupée en trois maintenant, la France, le Guatemala et le Cambodge (même si ça ne fait que deux ans…), je sens déjà que je ne pourrais pas m’en passer, pas tout de suite en tout cas.
Pour l'avenir, je n’en sais rien. J’aimerais tout mettre en place pour pouvoir me dédier complètement à l’art mais ce n’est pas facile et pour l’instant ce n’est pas le cas. Mais je travaille là-dessus.
Je n’improvise pas au temps présent, ou peut-être dans les petites décisions du quotidien mais sur les grandes lignes, j’essaie de me projeter un minimum. J’ai besoin d’un petit cadre dans le temps. Cette année par exemple, je compte aller en France et au Guatemala, je voudrais proposer aux amis artistes de créer des liens entre ces trois pays… j’aimerais organiser une expo collective ici au Cambodge; je prépare une installation de taille moyenne… je travaille sur mes objets, etc.
Je ne suis pas si aventurier pour improviser au jour le jour. Je ne fais plus comme je faisais quand j’avais 20 ans.
Alors puisque tu n’as plus 20 ans, et pour terminer l’interview, j’aimerais te poser la même question que tu m’avais posée il y a quelques mois, tu t’en souviens ? Quels conseils donnerais-tu, toi qui as pas mal bourlingué dans l’espace et dans le temps, à un jeune de 20 ans ou moins qui serait lui aussi contaminé par le virus de la création artistique ? Quels conseils de “vieux con” lui donnerais-tu qu’il ne suivra pas mais quand même ? Qu’est-ce que tu aurais aimé entendre à cet âge-là qu’on ne t’a jamais dit ? Qu’est-ce qui aurait pu t’aider que tu as peut-être simplement oublié d’entendre ?
Je n’ai pas grand chose à dire aux jeunes ou aux nouveaux artistes… Déjà, parce qu’à cet âge-là, on n’écoute rien, et puis parce que moi-même, je me sens toujours en construction et pas assez mûr pour conseiller les autres. Mais si je peux partager une réflexion, je dirais qu’il ne faut jamais oublier d’être sincère et de se concentrer sur l’œuvre. Le reste pourra venir ou pas mais ça doit rester secondaire.
Il y a deux phrases qui m’ont marqué et qui m’accompagnent depuis pas mal d’années... La première dite par “el maestro” Roberto Cabrera (Guatemala): “Quand on n’a rien à dire, il vaut mieux se taire!”
Et l’autre prononcée par un maître de Tai Chi: “On peut faire n’importe quoi, mais pas n’importe comment!”
Et pour finir, je cite le plus lucide des vieux cons: “Ne le fais pas, à moins que cela ne sorte de ton âme comme une fusée”. Charles Bukowski.
***
ENTREVISTA PARA LA REVISTA NOMADA - GUATEMALA
ERICK GONZALEZ, LA TRAYECTORIA DE UN ARTISTA SUI GENERIS
ERICK GONZALEZ, LA TRAYECTORIA DE UN ARTISTA SUI GENERIS
La historia es inverosímil. « Un artista guatemalteco haciendo Street Art en las calles de Phnom Penh. » Podría ser el punto de partida para un ejercicio literario, en algún taller sobre realismo mágico impartido por un excéntrico autor en México DF o Buenos Aires.
Pero si, tiene bastante de mágico, este cuento también es real. Lo afirmo con tanta seguridad porque para cerciorarme, quise ver con mis propios ojos dicho fenómeno de sincretismo cultural concentrado en una persona.
Erick González y yo nos habíamos conocido años atrás, cuando, buscando un artista guatemalteco para exponer en La Cafeotheque, me topé con sus obras. Éstas me habían parecido atrevidas, muy gráficas y a veces un poco sombrías; con un mensaje fuerte y directo. En esa época, Erick acababa de descolgar una exposición en la sede de la UNESCO, y algunas obras se fueron directo a mi cafecito de la Rue de l'Hôtel de Ville. Desde el inicio me había sorprendido la gran humildad de Erick ante la vida: con su mirada, parecía siempre inquisitivo, como queriendo ir más allá de lo que todos aceptamos como incuestionable. Me acuerdo que en aquella época yo estaba empezando mi tesis, y su visión sobre memoria histórica y arte contemporáneo en Guatemala que me compartió mientras colgábamos su exposición me volvía a la mente como un boomerang, varias veces a lo largo del proceso de escritura y reflexión. A pesar de vivir en Francia desde finales de los 90's, Erick siempre supo dejar un pie en Guatemala; estaba constantemente al corriente de las últimas noticias políticas y culturales.
Así seguí siguiendo, de cerca o de lejos, su trayectoria de artista; y antes que partiera para tierras orientales, le compré una obra que ha cobrado un significado fuerte en mi vida.
Unos meses después le pregunté: "¿Cómo te sientes en Camboya?" Su respuesta: "De este país no me saca ni la migra".
Tenía que ir a ver a ese mi compatriota fenómeno. Aprovechando de una misión cafetera en el Vietnam vecino, y tras un pequeño desvío por los templos de Angkor Vat, tomé un autobús rumbo a la capital camboyana, Phnom Penh. Y allí, con 45ºC y una humedad que nos hacía dudar de la frontera entre nosotros y el medio ambiente (las gotas que caían de nuestra frente ¿habrán sido sudor o agua condensada en la atmósfera?); allí donde las motos pasan a toda velocidad y en un caos abrumador aunque aparente; allí donde la ciudad late al pulso de sus habitantes, donde las calles son un espectáculo de luz, sonido y olores... nos sentamos afuera, de noche, en una mesita de plástico, iluminados por un farol de neón. Saqué la grabadora y aquí empezamos:
CCM : Erick, cuéntame... ¿Cuál fue la revelación que te hizo tomar el camino del arte?
E.G: La revelación tiene nombre y apellido: Roberto Cabrera. Recién egresado de la universidad, seguí un taller de unos meses con los Maestros Efraín Recinos y Roberto Cabrera. Entre ambos fue el segundo quien me abrió los ojos. Para mí y a mi escala, eso fue como el efecto que hizo Duchamp en el arte moderno, un punto y aparte, una página que se volteaba. Yo ya creaba, pero de la manera más clásica: pintura, dibujo, etc.; pero en esos pocos meses cambió mi visión del arte y de mi precario trabajo. Creo que lo más importante fue cambiar mi foco de interés, dejar de representar mis cosas personales y centrarme en lo que pasaba afuera en ese tiempo y en ese espacio, la Guatemala de post guerra.
CCM : ¿Eso es para ti el arte contemporáneo ? ¿Qué papel tiene el arte en el mundo?
E.G: Yo creo que un artista refleja bien la sociedad en la que vive y en la que participa. Es a la vez actor y analista. Por supuesto, como cualquier persona, es parte de la sociedad, pero también, como un sociólogo, toma distancia para poder hablar de esa sociedad. Arte, sociología, antropología... todo eso está muy relacionado. Asimismo el artista no puede, según mi percepción, ser egocéntrico. Por supuesto, cada visión viene de un interior. Pero su mirada no está dirigida hacia dentro sino hacia fuera.
CCM: ¿Cuál es el papel del público entonces?
E.G: Lo que un artista contemporáneo crea no son trabajos digeridos o finalizados sino obras que dan inicio a otra cosa o a otra forma de ver las cosas. Lo interesante es lograr que el público participe en ese proceso, que no sea pasivo. De cierto modo el público finaliza la obra, la reinterpreta o le da otro sentido.
CCM: ¿En qué sentís que tu carrera de comunicólogo ha influenciado tu trabajo?
E.G: Yo creo que no hay una gran diferencia porque el arte actual está muy ligado al discurso que está en la obra. Digamos que en muchas obras actuales el interés no está en el objeto sino al discurso que lo acompaña y le da sentido, esto toca directamente la comunicación y la manera de argumentar un trabajo. El objeto de arte no vale tanto en sí por lo que es materialmente sino por su valor simbólico. Cómo dice una crítica famosa: "El arte es la fusión de la materia gris con la materia plástica". O sea de los aspectos conceptuales y estéticos. Yo agregaría la dimensión sensorial o emocional.
CCM: Hablemos de tu experiencia en París ¿Cómo sentiste que la Ciudad Luz te recibía como artista guatemalteco?
E.G: Yo creo que no es fácil ser artista en ninguna parte del mundo. Pero como latinoamericano, como guatemalteco, tienes un toque tuyo que puede hacer una diferencia; porque solo tú puedes hablar de lo que has vivido en tu país; y la gente se interesa. La legitimidad viene de cuando hablas de lo que conoces y no de otra cosa. Ser guatemalteco en París me abrió puertas. Uno de los saltos en mi carrera fue el Festival sobre la Diversidad Cultural de la UNESCO. Un país como Guatemala escasamente representado en la escena internacional del arte (y no por falta de buenos artistas sino más bien por problemas de difusión) tiene todo su lugar en un ámbito semejante; sobre todo porque hay poca gente que conoce Guatemala.
CCM: ¿Así que tú, en París, tomaste como tema de predilección tu guatemaltequidad?
E.G: Mmmm... no necesariamente. Yo siempre le he huido a los nacionalismos. Yo pienso muy poco en mi "nacionalidad" son los demás que me la recuerdan, a un artista no lo puedes categorizar sólo por su pasaporte. En realidad un artista, a través de sus obras, toca temas universales pero a menudo con ejemplos locales. En Francia, como Miguel Ángel Asturias, yo me enteré que era Guatemalteco, latinoamericano, maya... Yo quería hablar de cosas universales, pero me puse a crear tocando temas del drama guatemalteco ... de la guerra, de la exclusión... desde mi propia vivencia como persona de barrios marginales... había algo que yo quería mostrar y que yo no quería que estuviera ligado necesariamente a Guatemala, aunque siempre, de alguna forma, Guatemala me alcanzaba porque la tengo adentro. Pero la intensión es que también resonaran esos temas en el público francés... porque aunque sean formas diferentes, los temas son universales.
CCM: Ya... ¿Tu diferencia se volvió una riqueza entonces? Dentro de ese mercado tan inmenso como dices, en ese mar de artistas y de instituciones culturales, ¿el ser guatemalteco te ayudó?
E.G: Eso me aportó una diferencia en la forma. Hay una estética latina y guatemalteca. Uno está marcado, indudablemente, por la estética que lo rodea. A mí me marcó Luis González Palma, Roberto Cabrera... dos grandes. Esas diferencias las notas afuera. En la forma, eres diferente; pero en el fondo... tu eres uno entre miles que han vivido la misma historia. Los temas son universales, lo que cambia es la forma de haberlos vivido y de representarlos, el contexto. Los Guatemaltecos tenemos una historia similar a la de tanta gente del mundo... como los Camboyanos por ejemplo.
CCM: Justamente, Camboya. ¿Cómo te percibes tú aquí, en comparación a París?
E.G: ¡Extranjero en ambos países claro! Pero yo siento más cercanía de corazón con Camboya que con Francia; aunque Francia es algo a lo que pertenezco también, el Occidente. Pero históricamente, nos parecemos con los camboyanos. Primero, por venir de una gran civilización. De nuestro lado los Mayas, de este lado los Khmers. Segundo, somos países del llamado "Tercer mundo", con coincidencias en lo bueno y en lo malo: calidades humanas, como la amabilidad, la ligereza, esa forma de encontrarle más bien una solución al problema en vez de quejarse. También en la exclusión, las desigualdades. En tercer lugar, los genocidios del siglo XX, tanto en Camboya como en Guatemala, terriblemente sangrientos. Así que ambas, en la actualidad, son sociedades de postguerra que reconstruyen el tejido social, la psicología colectiva, que se reconstruyen como país, en sus infraestructuras, etc.
CCM: ¿Eso a ti te inspira en tu creación? Te pregunto porque aquí has desarrollado aún más tu expresión callejera. El arte urbano es una forma mucho más directa de acceder al público ... en París tenías algunos mensajes, aquí tienes otros. ¿Qué mensajes quisieras trasmitir aquí?
El viaje en Camboya es como viajar en el tiempo. Yo siento que estoy viviendo de nuevo los primeros años de postguerra en Guatemala digamos (aunque aquí el conflicto terminó antes). Para mí, del 96 al 2006, fueron años muy ligeros en la ciudad. Era muy bonito, saber que ya había terminado la guerra, había esperanzas de que las cosas cambiaran. Yo aquí tengo la sensación de que ya viví esto. Quisiera decir que no cometan aquí los mismos errores que cometimos en Guate. Como si fuera una segunda oportunidad de decir las cosas, como si lo que no pude decir en su tiempo en Guatemala por falta de experiencia, lo pudiera hacer acá. Quisiera decirles que tengan cuidado, que cuiden su cultura, su identidad, que no entren en la espiral de la violencia. Que no dejen que su riqueza cultural desaparezca con la modernidad". En la última exposición que hice, había una obra sonora llamada "Recuerdos Futuros", en la que hago referencia a este momento histórico, porque siento que está ya pasando muy rápido. El registro sonoro que hice de la ciudad es como un testigo de la vida callejera que existe hoy en Phnom Penh (vendedores callejeros, reparadores, repartidores, la voz de la ciudad…) y que seguramente desaparecerá como también ocurre en Guatemala.
CCM: ¿Entonces estar aquí es para ti también regresar a los 20?
E.G. (se rie)... Si, también me da cierta conciencia de mis limitaciones. Cambiar de país es como reiniciar una carrera. Adaptarse a nuevos códigos, y crear otros. Es muy difícil entender realmente la cultura Khmer. Como artista acá me siento más seguro de lo que hago, como si mi carrera hubiera encontrado una síntesis aquí entre París y Guatemala. Pero al mismo tiempo descubro otra cultura, tan ajena.
CCM: ¿Y cómo sentís la recepción de tu arte por los Camboyanos?
E.G. Ellos están muy curiosos de ver lo que hacen los extranjeros. Si, ciertamente, la exposición de Bophana Center fue muy interesante. Aquí no están acostumbrados al arte conceptual. Para el público camboyano ver instalaciones y objetos... no es sencillo. Hay curiosidad ante la novedad; sobre todo en las nuevas generaciones.
Por otro lado, en lo que concierne al Street Art, aquí hay muchas creencias. Por ejemplo, si uno pone un rostro en una pared, sienten que estás invocando a un espíritu y eso les da miedo. Tuve un problema con una obra que retomaba la imagen de una bailarina sagrada Apsara; yo presenté el proyecto donde multiplicaba la imagen como pétalos de rosa de tal manera que en un momento quedaba boca abajo. No la pude realizar en el festival Cambodia Urban Art 2016 porque las autoridades locales no aceptaron el proyecto, la razón es que un personaje sagrado no puede estar de cabeza. Así que hay códigos que aprender para poder expresarte libremente, pero los veo más como reglas de juego que como censura.
CCM: ¿Así que sientes que está cambiando?
E.G Si, empieza. Como en los años 90 en Guatemala, cuando nacieron los movimientos como la Casa Bizarra, escritores, artistas plásticos... Aquí lo estoy viviendo ahora nuevamente.
***
Video: Christina Chirouze Montenegro. Phnem Penh Cambodia 2016
Pero si, tiene bastante de mágico, este cuento también es real. Lo afirmo con tanta seguridad porque para cerciorarme, quise ver con mis propios ojos dicho fenómeno de sincretismo cultural concentrado en una persona.
Erick González y yo nos habíamos conocido años atrás, cuando, buscando un artista guatemalteco para exponer en La Cafeotheque, me topé con sus obras. Éstas me habían parecido atrevidas, muy gráficas y a veces un poco sombrías; con un mensaje fuerte y directo. En esa época, Erick acababa de descolgar una exposición en la sede de la UNESCO, y algunas obras se fueron directo a mi cafecito de la Rue de l'Hôtel de Ville. Desde el inicio me había sorprendido la gran humildad de Erick ante la vida: con su mirada, parecía siempre inquisitivo, como queriendo ir más allá de lo que todos aceptamos como incuestionable. Me acuerdo que en aquella época yo estaba empezando mi tesis, y su visión sobre memoria histórica y arte contemporáneo en Guatemala que me compartió mientras colgábamos su exposición me volvía a la mente como un boomerang, varias veces a lo largo del proceso de escritura y reflexión. A pesar de vivir en Francia desde finales de los 90's, Erick siempre supo dejar un pie en Guatemala; estaba constantemente al corriente de las últimas noticias políticas y culturales.
Así seguí siguiendo, de cerca o de lejos, su trayectoria de artista; y antes que partiera para tierras orientales, le compré una obra que ha cobrado un significado fuerte en mi vida.
Unos meses después le pregunté: "¿Cómo te sientes en Camboya?" Su respuesta: "De este país no me saca ni la migra".
Tenía que ir a ver a ese mi compatriota fenómeno. Aprovechando de una misión cafetera en el Vietnam vecino, y tras un pequeño desvío por los templos de Angkor Vat, tomé un autobús rumbo a la capital camboyana, Phnom Penh. Y allí, con 45ºC y una humedad que nos hacía dudar de la frontera entre nosotros y el medio ambiente (las gotas que caían de nuestra frente ¿habrán sido sudor o agua condensada en la atmósfera?); allí donde las motos pasan a toda velocidad y en un caos abrumador aunque aparente; allí donde la ciudad late al pulso de sus habitantes, donde las calles son un espectáculo de luz, sonido y olores... nos sentamos afuera, de noche, en una mesita de plástico, iluminados por un farol de neón. Saqué la grabadora y aquí empezamos:
CCM : Erick, cuéntame... ¿Cuál fue la revelación que te hizo tomar el camino del arte?
E.G: La revelación tiene nombre y apellido: Roberto Cabrera. Recién egresado de la universidad, seguí un taller de unos meses con los Maestros Efraín Recinos y Roberto Cabrera. Entre ambos fue el segundo quien me abrió los ojos. Para mí y a mi escala, eso fue como el efecto que hizo Duchamp en el arte moderno, un punto y aparte, una página que se volteaba. Yo ya creaba, pero de la manera más clásica: pintura, dibujo, etc.; pero en esos pocos meses cambió mi visión del arte y de mi precario trabajo. Creo que lo más importante fue cambiar mi foco de interés, dejar de representar mis cosas personales y centrarme en lo que pasaba afuera en ese tiempo y en ese espacio, la Guatemala de post guerra.
CCM : ¿Eso es para ti el arte contemporáneo ? ¿Qué papel tiene el arte en el mundo?
E.G: Yo creo que un artista refleja bien la sociedad en la que vive y en la que participa. Es a la vez actor y analista. Por supuesto, como cualquier persona, es parte de la sociedad, pero también, como un sociólogo, toma distancia para poder hablar de esa sociedad. Arte, sociología, antropología... todo eso está muy relacionado. Asimismo el artista no puede, según mi percepción, ser egocéntrico. Por supuesto, cada visión viene de un interior. Pero su mirada no está dirigida hacia dentro sino hacia fuera.
CCM: ¿Cuál es el papel del público entonces?
E.G: Lo que un artista contemporáneo crea no son trabajos digeridos o finalizados sino obras que dan inicio a otra cosa o a otra forma de ver las cosas. Lo interesante es lograr que el público participe en ese proceso, que no sea pasivo. De cierto modo el público finaliza la obra, la reinterpreta o le da otro sentido.
CCM: ¿En qué sentís que tu carrera de comunicólogo ha influenciado tu trabajo?
E.G: Yo creo que no hay una gran diferencia porque el arte actual está muy ligado al discurso que está en la obra. Digamos que en muchas obras actuales el interés no está en el objeto sino al discurso que lo acompaña y le da sentido, esto toca directamente la comunicación y la manera de argumentar un trabajo. El objeto de arte no vale tanto en sí por lo que es materialmente sino por su valor simbólico. Cómo dice una crítica famosa: "El arte es la fusión de la materia gris con la materia plástica". O sea de los aspectos conceptuales y estéticos. Yo agregaría la dimensión sensorial o emocional.
CCM: Hablemos de tu experiencia en París ¿Cómo sentiste que la Ciudad Luz te recibía como artista guatemalteco?
E.G: Yo creo que no es fácil ser artista en ninguna parte del mundo. Pero como latinoamericano, como guatemalteco, tienes un toque tuyo que puede hacer una diferencia; porque solo tú puedes hablar de lo que has vivido en tu país; y la gente se interesa. La legitimidad viene de cuando hablas de lo que conoces y no de otra cosa. Ser guatemalteco en París me abrió puertas. Uno de los saltos en mi carrera fue el Festival sobre la Diversidad Cultural de la UNESCO. Un país como Guatemala escasamente representado en la escena internacional del arte (y no por falta de buenos artistas sino más bien por problemas de difusión) tiene todo su lugar en un ámbito semejante; sobre todo porque hay poca gente que conoce Guatemala.
CCM: ¿Así que tú, en París, tomaste como tema de predilección tu guatemaltequidad?
E.G: Mmmm... no necesariamente. Yo siempre le he huido a los nacionalismos. Yo pienso muy poco en mi "nacionalidad" son los demás que me la recuerdan, a un artista no lo puedes categorizar sólo por su pasaporte. En realidad un artista, a través de sus obras, toca temas universales pero a menudo con ejemplos locales. En Francia, como Miguel Ángel Asturias, yo me enteré que era Guatemalteco, latinoamericano, maya... Yo quería hablar de cosas universales, pero me puse a crear tocando temas del drama guatemalteco ... de la guerra, de la exclusión... desde mi propia vivencia como persona de barrios marginales... había algo que yo quería mostrar y que yo no quería que estuviera ligado necesariamente a Guatemala, aunque siempre, de alguna forma, Guatemala me alcanzaba porque la tengo adentro. Pero la intensión es que también resonaran esos temas en el público francés... porque aunque sean formas diferentes, los temas son universales.
CCM: Ya... ¿Tu diferencia se volvió una riqueza entonces? Dentro de ese mercado tan inmenso como dices, en ese mar de artistas y de instituciones culturales, ¿el ser guatemalteco te ayudó?
E.G: Eso me aportó una diferencia en la forma. Hay una estética latina y guatemalteca. Uno está marcado, indudablemente, por la estética que lo rodea. A mí me marcó Luis González Palma, Roberto Cabrera... dos grandes. Esas diferencias las notas afuera. En la forma, eres diferente; pero en el fondo... tu eres uno entre miles que han vivido la misma historia. Los temas son universales, lo que cambia es la forma de haberlos vivido y de representarlos, el contexto. Los Guatemaltecos tenemos una historia similar a la de tanta gente del mundo... como los Camboyanos por ejemplo.
CCM: Justamente, Camboya. ¿Cómo te percibes tú aquí, en comparación a París?
E.G: ¡Extranjero en ambos países claro! Pero yo siento más cercanía de corazón con Camboya que con Francia; aunque Francia es algo a lo que pertenezco también, el Occidente. Pero históricamente, nos parecemos con los camboyanos. Primero, por venir de una gran civilización. De nuestro lado los Mayas, de este lado los Khmers. Segundo, somos países del llamado "Tercer mundo", con coincidencias en lo bueno y en lo malo: calidades humanas, como la amabilidad, la ligereza, esa forma de encontrarle más bien una solución al problema en vez de quejarse. También en la exclusión, las desigualdades. En tercer lugar, los genocidios del siglo XX, tanto en Camboya como en Guatemala, terriblemente sangrientos. Así que ambas, en la actualidad, son sociedades de postguerra que reconstruyen el tejido social, la psicología colectiva, que se reconstruyen como país, en sus infraestructuras, etc.
CCM: ¿Eso a ti te inspira en tu creación? Te pregunto porque aquí has desarrollado aún más tu expresión callejera. El arte urbano es una forma mucho más directa de acceder al público ... en París tenías algunos mensajes, aquí tienes otros. ¿Qué mensajes quisieras trasmitir aquí?
El viaje en Camboya es como viajar en el tiempo. Yo siento que estoy viviendo de nuevo los primeros años de postguerra en Guatemala digamos (aunque aquí el conflicto terminó antes). Para mí, del 96 al 2006, fueron años muy ligeros en la ciudad. Era muy bonito, saber que ya había terminado la guerra, había esperanzas de que las cosas cambiaran. Yo aquí tengo la sensación de que ya viví esto. Quisiera decir que no cometan aquí los mismos errores que cometimos en Guate. Como si fuera una segunda oportunidad de decir las cosas, como si lo que no pude decir en su tiempo en Guatemala por falta de experiencia, lo pudiera hacer acá. Quisiera decirles que tengan cuidado, que cuiden su cultura, su identidad, que no entren en la espiral de la violencia. Que no dejen que su riqueza cultural desaparezca con la modernidad". En la última exposición que hice, había una obra sonora llamada "Recuerdos Futuros", en la que hago referencia a este momento histórico, porque siento que está ya pasando muy rápido. El registro sonoro que hice de la ciudad es como un testigo de la vida callejera que existe hoy en Phnom Penh (vendedores callejeros, reparadores, repartidores, la voz de la ciudad…) y que seguramente desaparecerá como también ocurre en Guatemala.
CCM: ¿Entonces estar aquí es para ti también regresar a los 20?
E.G. (se rie)... Si, también me da cierta conciencia de mis limitaciones. Cambiar de país es como reiniciar una carrera. Adaptarse a nuevos códigos, y crear otros. Es muy difícil entender realmente la cultura Khmer. Como artista acá me siento más seguro de lo que hago, como si mi carrera hubiera encontrado una síntesis aquí entre París y Guatemala. Pero al mismo tiempo descubro otra cultura, tan ajena.
CCM: ¿Y cómo sentís la recepción de tu arte por los Camboyanos?
E.G. Ellos están muy curiosos de ver lo que hacen los extranjeros. Si, ciertamente, la exposición de Bophana Center fue muy interesante. Aquí no están acostumbrados al arte conceptual. Para el público camboyano ver instalaciones y objetos... no es sencillo. Hay curiosidad ante la novedad; sobre todo en las nuevas generaciones.
Por otro lado, en lo que concierne al Street Art, aquí hay muchas creencias. Por ejemplo, si uno pone un rostro en una pared, sienten que estás invocando a un espíritu y eso les da miedo. Tuve un problema con una obra que retomaba la imagen de una bailarina sagrada Apsara; yo presenté el proyecto donde multiplicaba la imagen como pétalos de rosa de tal manera que en un momento quedaba boca abajo. No la pude realizar en el festival Cambodia Urban Art 2016 porque las autoridades locales no aceptaron el proyecto, la razón es que un personaje sagrado no puede estar de cabeza. Así que hay códigos que aprender para poder expresarte libremente, pero los veo más como reglas de juego que como censura.
CCM: ¿Así que sientes que está cambiando?
E.G Si, empieza. Como en los años 90 en Guatemala, cuando nacieron los movimientos como la Casa Bizarra, escritores, artistas plásticos... Aquí lo estoy viviendo ahora nuevamente.
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Video: Christina Chirouze Montenegro. Phnem Penh Cambodia 2016
Le jardin d’Erick Gonzalez
French
Erick Gonzalez cherche sans cesse à dépeindre la société dans laquelle nous vivons. Par son regard, son vécu et à force de travail, celui-ci nous plonge dans un univers parfois dérangeant. Le philosophe Georges Donnet nous donne des clés d'interpretation de sa peinture à travers un texte décryptant l'oeuvre de l'artiste.
Emmanuelle Le Marec
Le jardin d’Erick Gonzalez
On le sait : « L’art est comme un miroir où l’homme connaît et reconnaît quelque chose, non seulement de lui-même mais aussi du monde qu’il ignorait » (Bergson). Le monde dépeint par Erick Gonzalez est celui de la violence invisible, mais omni présente, sourde, arbitraire et pas moins brutale. Son art, à la différence de celui de Jacques Monory par exemple, n’a rien de réaliste : pas de descriptif, pas même de ritualisation de la vie quotidienne et encore moins de théâtralisation ou de mise en scène de la réalité ordinaire à travers des scènes-choc ou expéditives. Il reste narratif et figuratif, preuve qu’il est seulement un reflet, bien loin de la métaphore et du symbolisme tautologique et, en dernière analyse, factice de ceux de Monory.
Ecrivons le mot, il s’agit de métonymie. A nous de revivre le champ, l’espace et le temps de ce vécu et, surtout, de le déduire : le contexte de l’évènement reste caché, sans aucun commentaire, avec à peine quelques indices.: « Gua. SF 13 », des traces de papier-journal ou d’emballage, ou encore des tatouages, des imprimés sur le corps. Rien de moins que « voir le visible » disait Foucault, faisant écho à Wittgenstein « Ne parle pas. Regarde ». Les peintures d’Erick Gonzalez révèlent en silence l’agressivité sans réplique qui peut briser l’intimité de chacun. Intimité d’autant plus forte qu’elle apparaît de manière expressive mais implicite sous les traits de visages féminins, d’une silhouette émergeant de la nuit et de corps marqués par le temps.
Il n’est pas indifférent de savoir qu’Erick Gonzalez est Guatémaltèque. A la fois d’Antigua et de Guatemala Ciudad, ville hantée par les « maras », ces jeunes néo-américains qui sèment la peur et le désarroi, et font la loi, ignorant la différence entre vie et mort et imposant un couvre feu à la tombée de la nuit, au plus tard vers 23 heures (sous réserve de la présence dissuasive de gardes armés). Guatemala Ciudad, la capitale ivre dont il n’existe aucun plan officiel, ville de tous les excès, avec sa « red zone » où l’homme est capable du meilleur et surtout du pire. Et Antigua, qui donne à voir ce qui n’est plus, les ruines majestueuses qui existent comme un tombeau au milieu des architectures hispaniques baroques, entourée de trois volcans, Agua, Fuego et Acatenango, avec ce sentiment plaisant de déjà-vu et d’éternel retour.
Le Guatemala enfin, le pays de « l’éternel printemps », qui fait « depuis deux siècles les délices des voyageurs et des ethnologues », disait Jean Piel. Mais au prix d’une agression permanente, dont témoignent le « El Senor Presidente » d’Asturias, le pillage par l’United Fruit Company, puis la mise hors circuit en raison de la paranoïa de la CIA de Jacobo Arbenz Guzman en 1954, le seul qui aurait pu sauver le Guatemala. La guerre civile, avec le génocide de 1982. Et puis aujourd’hui le lent et inexorable dépérissement de l’Etat, et l’envahissement des « maras » et des « narcos ». L’histoire du Guatemala est triste et tragique, modèle exemplaire de la violence du monde. D’autant plus que le pays est sublime et le multiculturalisme une réalité. « La vie pourrait y être si douce »
C’est ce dont témoignent les tableaux d’Erick Gonzalez. "Ils sont étranges et familiers, suaves et vifs, profonds et manifestes, esthétiques et politiques" Ils nous parlent parce qu’ils expriment cet érotisme enfoui, cette sensualité où se mêlent beauté et dureté, avec ce sentiment de culpabilité très privé qui nous effraie en raison des fantasmes qu’ils réveillent. Les visages des femmes sont jolis avec ces lèvres rouges humides, ces traits fins, ces longs cheveux noirs. On voudrait les toucher. Les regarder suffit à nous étonner : une bouche que ponctue une cigarette allumée, un bâillon ici, là un bandeau, des regards perçants, des visages mortuaires d’hommes, des formes extatiques de corps entiers ou morcelés. Tout cela est plein d’émotion mais teinté d’ambiguïté.
La peinture d’Erick Gonzalez est comme le jardin d’Epicure, où pousseraient en toute quiétude des fleurs belles comme des rubis avec des épines. Sa peinture ne nous coupe pas du monde, elle est symptôme de la confusion ambiante, du désordre et du risque dans les affaires humaines. Ses tableaux sont un point de vue où le monde apparaît dans sa crudité avec le « parfum » de l’Amérique centrale. La modération, tant dans la recherche de l’image que de son cadrage, avec le souci d’évoquer le tout par le détail est un signe de pudeur et de retenue : l’art d’Erick Gonzalez est paisible et harmonieux, et même serein, mais il ne nous délivre pas de notre inquiétude originelle. Tout juste, il nous permet - dans la mesure du possible - de vivre avec elle.
Georges Donnet
English
Erick Gonzalez continually seeks to portray the society in which we live. By his look, his experience and hard work, he immerses us into a world sometimes disturbing. The philosopher Georges Donnet gives us the key of interpretation of his painting through a text decrypting the artist's work.
Emmanuelle Le Marec
The Garden of Erick Gonzalez
We know: "Art is like a mirror in which a man knows and recognizes something; not only about himself butalso of the world that he ignored until now" (Bergson). The world portrayed by Erick Gonzalez is the invisible but omnipresent violence, deaf, arbitrary and not less brutal. His art, in compare to Jacques Monory’s art for example, has nothing realistic or descriptive, not even the rituals of daily life and even less a theatrical staged side with ordinary reality through shock or expeditius scenes. It remains narrative and figurative, proof that he is only a reflection, far from the metaphor and symbolism tautological and, as a last analysis, factitious of those from Monory.
Let’s write the word it it comes to metonymy. It’s up to us to relive the field, the space and the time of this experience and specially to deduce. The context of the event that remains hidden, without comment, with only a few clues:. "Gua. SF 13" The prints of a newspaper, the prints of the packaging or even the tattoos the prints of the body. Nothing less than "see the visible" said Foucault, referring to Wittgenstein "Do not talk. Look." Erick Gonzalez's paintings reveal in silence this unanswered aggression that can break down anyone privacy. Privacy even stronger because it appears in an expressive but implicit way in the features of female faces, of a shape emerging from the night or even bodies marked by time that goes by.
It is not irrelevant to know that Erick Gonzalez is from Guatemala, both Antigua and Guatemala City, town haunted by the "maras", the neo-American youth who sow fear and confusion, and make their law, ignoring the difference between life and death and imposing a curfew, not later than at 11pm at night (unless there is the dissuasive presence of military guards). Guatemala City, the drunk capital without formal plan, city of all excess, with its "red zone" where the man is capable of the best but especially capable of the worst. And then Antigua, which shows what it isn’t anymore, the majestic ruins that exist as a tomb in the middle of the Hispanics Baroque architecture, surrounded by three volcanoes, Agua, Fuego and Acatenango with the pleasant feeling of deja vu and the eternal return.
Guatemala finally, the country of "eternal spring", that does "since two centuries ago the delight of travelers and ethnologists" said Jean Piel. But at the price of permanent aggression, as witnessed the book "El Senor Presidente" of Asturias, the looting by the United Fruit Company, and then the switch off, due to the paranoia of the CIA, of Jacobo Arbenz Guzman in 1954, the only one who could have saved Guatemala. Civil war, the genocide of 1982. And now the slow, inexorable decline of the State, and the invasion of "maras" and "narcos". The history of Guatemala is sad and tragic, exemplary model of violence in the world. Especially because the country is sublime and their multiculturalism is a reality. "Life in Guatemala could be so sweet"
Erick Gonzalez paintings are strange and familiar, sweet and sharp, deep and manifest, esthetic and political". They talk to us because they express hidden eroticism, sensuality that combines beauty and hardness, with this very private feeling of guilt that frightens us because of the fantasies they wake up on us. The faces of these women are beautiful with red and wet lips, delicate features, those long black hairs. We would like to touch them. To watch them is enough to surprise us: a lit cigarette that punctuates a mouth, a gag here, a blindfold there, piercing eyes, mortuary men faces, and ecstatic forms of complete or fragmented bodies. All this is very emotional but tinged with ambiguity.
Erick Gonzalez paintings are like the Epicurus garden, where would grow up in peace beautiful flowers like rubies with thorns. His painting doesn’t take us away from the world; it is a symptom of the confusion, disorder and risk in human affairs. His paintings are a point of view where the world appears in its crudity with the "fragrance" of Central America. The moderation in the pursuit of the image as well as at its frame, with the concern to evoke everything with the detail is a sign of modesty and restraint: the art of Erick Gonzalez is harmonious and peaceful, even serene, but it does not deliver us from our original concern. Just, it allows us - as much as possible - to live with it.
Georges Donnet
Entrevista con Juan Martin Arcos
1_Cuando supiste que querías ser artista?
Cuando vi el poder que puede tener una obra de arte, es decir cuando descubrí algunos de los grandes maestros.
2_Por que elegiste ser un artista plástico?
Yo creo que ser artista no se elige, se descubre en tu interior, en tu sensibilidad, en tu manera de razonar y en tu capacidad de transformar la "materia" para hacer aparecer eso que es invisible.
3_Crees que tus obras son en cierto modo una critica al sistema actual?
Creo que el arte es una postura frente al contexto en el que se desarrolla. El trabajo de un artista debe interactuar con su contexto y cuestionarlo, desvelar sus fallas y proponer nuevas formas de pensamiento, nuevas formas a nivel estético y conceptual. El artista debe comprometerse con sigo mismo, desarrollar sus capacidades técnicas e intelectuales y convertirse en un sujeto activo en la sociedad, de cierto modo debe ser un generador de opinión. Desde ese punto y sin pretensiones, si creo que mi obra es una critica a mi propio entorno.
4_Sabemos que vives en un barrio privilegiado de Paris, como es vivir en Montmartre, de que manera a influido en tus obras?
Montmartre es un barrio mítico en la historia del arte moderno y es innegable que aun flota en el aire esa nostalgia por el tiempo de gloria. Pero aunque sea un lugar hermoso creo que lo que mas ha influido en mi producción es el encuentro con mucha gente, es esa diversidad en el paisaje humano que enriquece tu percepción de las cosas, que te ayuda a conocer o revisitar tu identidad y tu lugar en la sociedad, en este país y en tu país de origen.
5_Cuales han sido tus grandes referentes en el arte y por que?
Hay tantos artistas que me gustan pero mis favoritos o los que persisten con el tiempo son: Francis Bacon, Lucian Freud, Antony Tapies, Ernest Pignon Ernest, Banksy, Christian Boltanski, Warhol, Ron Mueck, JR, etc... Porque? Pues para mí es simple: porque cada uno a su manera toca cosas esenciales.
6_Como definirías tu trabajo, o como lo hace tu publico?
Es difícil de definirlo, no porque sea algo excepcional, para nada, sino porque mis intereses cambian y mis trabajos también. Si querés, hay algo de social en mis temas, algo que refleja de cierto modo mi país, es decir que es un poco oscuro.
7_Tienes planes de volver a Guatemala o trasladarte a otro país?
Por ahora me quedo en Paris, pero si que me gustaría regresar a guate mas a menudo, el arte latinoamericano esta en un momento de mucho movimiento y se está posicionando en el medio internacional con mucha fuerza. Me gustaría poder disfrutar de los dos países pero no es fácil.
8_A nivel personal cual crees que es el trabajo mas importante que has realizado?
Aun no lo he realizado!
Esa es una frase plagiada pero para responder a tu pregunta, la exposición "Guatemala Alto Contraste" es importante para mí porque me ayudó a alejarme de la pintura y buscar otras formas más tentadoras o menos convencionales en el arte. Finalmente lo más importante no ha sido un evento sino una serie de pequeñas decisiones, un paso a un lado que te reorienta, no solo a vos sino también a tu obra.
Si hablamos de un lugar, creo que exponer en la sede de la UNESCO, es algo que siempre había soñado.
9_Cuales son tus próximos proyectos?
Aprender, crear, exponer, abrirme paso...
10_Te gustaría llegar a ser un artista de renombre mundial?
Conocés a uno que no quiera?